Occupation & nasse du Nouvel An à Genève, Malagnou donne sa version

Voici le texte intégral de leurs réponses avec quelques auto-censures quand même, notamment sur la similarité entre la figure du policier anti-émeute et celle de Jean Calvin.

Une action d’occupation festive d’un local commercial s’est déroulée la nuit du réveillon dans les rues-basses. En êtes-vous les instigateurs (le dernier post sur le site renverse.co tend à le faire penser) ?

Malagnou : La maison de Malagnou n’est pas l’instigatrice de cet événement. N’étant pas à l’origine de cette action, nous ne pouvons donner que notre point de vue, celui d’un collectif qui prend part au mouvement pour le droit à la ville dont l’appel à cette fête sauvage se réclame également.

Si oui, quelles sont vos motivations ?

Malagnou : Voir plus haut. Nous ne pouvons parler à la place des personnes qui ont intié cette action.

Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui d’occuper des locaux ?

Malagnou : Voir ci-après.

Si vous n’êtes pas les instigateurs de l’action du 31.12, savez-vous qui l’est ? Y avez-vous participé ? Etes-vous solidaires avec cette action ? Pourquoi ?

Malagnou : Sur la forme, nous sommes solidaires de la pratique de l’occupation. Bien qu’illégale, ce type d’action nous parle car notre projet de vie collective est né il y a maintenant près de 6 ans du même type de pratique. Et c’est le cas pour de nombreux projets qui apportent un bol d’air frais et d’autonomie dans des espaces étouffés par le contrôle social que l’on rencontre en ville. Pour nous, l’occupation est légitime. Des habitant.e.s qui reprennent un quartier en arrachant un logement abordable aux travailleur.euses qui reprennent leurs lieux de travail, l’occupation est une pratique de contestation qui permet aux personnes de se réapproprier l’environnement qui est le leur, mais dont l’usage leur est défendu par la logique du profit.

Dans le cas précis de l’action du 31 décembre, il est particulièrement important de dénoncer l’intervention de l’Etat, qui en bloquant toutes les issues du bâtiment à des centaines de personnes en pleine fête de réveillon et en les frappant, les a placées dans une situation très dangereuse. Pourquoi ? Cela ne relève pas d’un quelconque intérêt public que de mettre une centaine de personnes en danger pour les empêcher de s’amuser comme ils ou elles l’entendent dans une des très nombreuses surfaces commerciales vides à Genève. Non, le but de cette intervention est de faire passer un message au mouvement : « nous ne vous laisserons pas prendre la ville car elle n’est pas à vous qui y vivez ».
Pour l’Etat, les espaces de cette villes sont dédiés à garantir les taux de rendements immobiliers qui sont extrêmement élevés (et donc source de spéculation). Il est ainsi hors de question pour lui qu’une bande de fêtard.e.s viennent semer le trouble. Pour celles et ceux qui aspirent à autre chose, ce sera une séquestration dans un bâtiment et tant pis si on prend le risque que quelqu’un fasse un malaise grave et ne se réveille pas.
Il est important de dire que cette prise de position en faveur du répressif est un choix politique. En amont d’un cas spéctaculaire comme le soir du 31 décembre, il y a les services du conseiller d’Etat Pierre Maudet qui font pleuvoir les amendes lors de manifestations – bien qu’il soit régulièrement désavoué par la justice. Il y a le procureur général Olivier Jornot qui dans les colonnes de la Tribune de Genève le 20 octobre dernier, assume encore une politique de harcèlement dans la rue des personnes sans-papiers au seul motif qu’elles sont sans papiers. Nous affirmons qu’il y a une continuité entre l’absence de logements abordables, la disparition de lieux alternatifs et la politique d’enfermement des « indésirables » de la ville.

Sur le site renverse.co, il est écrit dans un post du 18 décembre : « Après plusieurs manifestations, voici venu le temps de l’occupation. » Est-ce à dire que des actions d’occupation vont se multiplier durant l’année 2018 ?

Malagnou : Nous ne pouvons que le souhaiter. Cependant, les acteurs et actrices du mouvement pour le droit à la ville portent des revendications différentes qui seront prochainement officiellement présentées au Conseil d’Etat.
Cette diversité de composantes du mouvement s’accompagne aussi d’une diversité de modes d’action. Et c’est ce qui fait notre puissance ! L’Etat ne sait que nous opposer la force virile de ses robocops. C’est au mouvement de se montrer plus inventif et plus créatif pour faire bouger les lignes.

Qu’est-ce qui justifie cette montée en puissance ? L’immobilisme des autorités ? Les locaux vides qui se multiplient ?

Malagnou : A notre humble avis, plus que d’immobilisme des autorités, il faut parler de mépris. Dans le cas du mouvement pour le « droit à la ville », le conseiller d’Etat Serge Dal Busco, qui a été de nombreuses fois interpellé en tant que responsable de l’office des Bâtiments ignore purement et simplement les miliers de personnes qui ont manifesté et toutes celles qui nous soutiennent depuis le début. Cette stratégie du pourrissement ne fonctionne pas et les occupations font partie des moyens de le rappeler.

Dans le domaine de l’accueil des migrant.e.s par exemple : dès 2014, l’hébergement en abris PCi était dénoncé de toute part. C’est seulement en juin 2015, au moment de l’occupatin du théâtre du Grütli par un groupe autonome de migrant.e.s sommé d’aller vivre sous terre que l’Etat a commencé à se pencher sur la question en créant sa fameuse task force pour chercher des hébergements en surface. Deux ans plus tard, la solution proposé par l’Etat est… d’expulser Malagnou qui étions avec d’autres, aux côté des occupant.e.s du Grütli.
Alors on veut expulser Malagnou pour créer 30 places d’accueil pour 3 ans maximum mais personne n’est là pour donner réparation aux victimes de l’incendie du foyer des Tattes, personne n’est là pour proposer des réelles solutions pérennes pour toutes et tous, personne ne s’engage à améliorer les conditions de vies dans les foyers existants… Cette politique de l’urgence à géométrie variable est un exemple parmi d’autre de la mesquinerie à laquelle doivent faire face celles et ceux qui sont minorisées face à l’Etat. Cela doit cesser.

Assiste-t-on à la réminiscence du mouvement squat des années 90 ? Le souhaitez-vous tout du moins ?

Malagnou : Nous ne croyons pas aux âges d’or révolus. Nous préférons participer à construire ceux qui sont à venir.